Projet Tayarchaung
Depuis la catastrophe du cyclone Nargis qui a ravagé le Sud de la Birmanie le 2 et 3 mai 2008, faisant plus de 138.000 victimes, Cadrasie s'est engagée sur place dans les villages de Tadarchaung et de Tayarchaung, d'abord dans le cadre d'une intervention d'urgence. Cadrasie a poursuivi son aide en fonction des besoins exprimés par la population jusqu'en 2018. Elle a notamment permis la reconstruction de 23 maisons pour les familles les plus pauvres, développé différents projets de coopération dans les domaines de l'éducation et de la riziculture, toujours en concertation avec les autorités locales..
Cadrasie se mobilise: urgence Birmanie (mai/juin 2008)
Deux semaines après le cyclone, Cadrasie commence la distribution de produits de première nécessité. Le 7 juin, notre chef de mission arrive dans la zone de Pya Pone. Comme de nombreuses ONG interviennent plus à l'ouest, vers Bogalay, la décision est prise de nous tourner vers les petits villages du sud de cette zone, restés à l'écart de la solidarité. Nous avons choisi d'intervenir dans une zone reculée à 2 heures de bateau de Pya Pone. Le village de Tayachang se situe très près du rivage de la mer d'Andaman, tributaire de l'océan Indien. Ce village ne bénéficiait d'aucune aide. La distribution s'est organisée avec le chef de village et le monastère. Plus de 2,5 tonnes de riz ont été distribuées par missions, mais aussi de grandes cruches pour recueillir l'eau de pluie, des vêtements, des sandales, des couvertures, des pastilles de purification de l'eau, de l'huile, du sel, des fournitures scolaires, des médicaments... Pendant la distribution, une campagne de sensibilisation est faite pour promouvoir le respect des gestes simples d'hygiène dans le but de limiter la propagation de maladies infectieuses épidémiques.
En parallèle à ces missions de distribution, un assistant est chargé de recenser les besoins tant à court qu'à moyen terme afin de préparer les missions suivantes et de prévoir la seconde phase du projet.
La Birmanie et Cadrasie, les débuts de la coopération (2008/2009)
Rapidement après les premières missions d'urgence nous avons enquêté auprès des villageois pour essayer d'évaluer leurs besoins. Avec notre siège français, nous avons conclu que l'action la plus pertinente était de financer la remise en route de la riziculture qui est avec la pêche leur seule source de revenus. L'urgence était donc d'essayer de les aider à sauver leur récolte de juillet 2008. En effet l'absence d'une récolte suffisante entraînerait alors de multiples conséquences néfastes: pas de nourriture pour 2009 et risque de famine, pas de revenus liés au commerce du riz, difficultés à financer la reconstruction de leur village.
L'idée est alors de financer l'achat de 12 machines agricoles nécessaires à la culture du riz. Nous ne voulions pas que notre aide se transforme en assistanat et que les villageois deviennent dépendants de qui que se soit. Pour cette raison nous avons mis en place un système de micro-crédits solidaires. Nous permettions ainsi aux villageois de devenir propriétaires de ces machines à un coût réduit.
Dans le même temps, Cadrasie remplace les filets de pêche détruits par le cyclone pour permettre la reprise de cette économie nécessaire à leur autosuffisance alimentaire et à leur économie.
Pérennisation de la coopération à Tayarchaung: construction de maisons d'habitation (2011/2013)
En 2010, le village nous demande de participer à la construction de maisons d'habitation pour les foyers qui ne sont pas logés décemment.
En 2011, le projet est défini en détail et les fonds rassemblés. Le village fournira la main d'œuvre et Cadrasie les matériaux nécessaires à la construction de 10 maisons sur la plage de Tayarchaung. La réalisation de projet démarre en décembre de cette année et l'objectif est de finir la construction des maisons avant l'arrivée de la mousson 2012. L'opération est rondement menée car la remise des clefs a été organisée début mars 2012 soit 2 mois avant l'arrivée de la saison des pluies. Nous avons poursuivi ce projet et au final 23 maisons auront été construites dans ce village fin 2013.
Birmanie, une action qui dure: réhabilitation de l'école (2014/2015)
A Tadarchaung, après l'urgence, après l'aide à la relance économique, après la résorption de l'habitat précaire, Cadrasie s'engage résolument dans l'éducation.
En accord avec les responsables locaux, c'est sur l'éducation des jeunes que la coopération entre Cadrasie et le village de Tadarchaung va se recentrer et se concentrer. Concrètement, cela signifie que pendant ces deux années, des travaux d'amélioration et de réhabilitation de l'école du village ont été engagés et terminés (accès bétonnés, préau et cour de récréation construits, assainissement terminé).
Les locaux servant à loger les professeurs étant très délabrés, un logis pour 5 enseignants a été créé.
Cadrasie s'est également investi dans la construction d'une bibliothèque et d'une salle d'étude attenantes à l'école. De nombreuses fournitures scolaires ont été achetées, ainsi que les uniformes des enfants (coutume en Birmanie). L'ancien mobilier délabré des salles de classe a été remplacé par du neuf. Cadrasie a également fourni de nombreux ouvrages scolaires pour la bibliothèque.
Tayarchaung, idée d'une maison communautaire (2015/2018)
A partir de 2015 Cadrasie décide de construire une maison communautaire dans le centre du village de Tayarchaung. C'est un centre composé d'un seul bâtiment où les villageois peuvent pratiquer des activités sociales, culturelles, récréatives et civiques. La raison d'être de ce bâtiment est aussi d'accueillir des membres de Cadrasie, et pourquoi pas des touristes solidaires désireux d'apporter leur aide à la communauté de Tayarchaung.
Afin de préparer les villageois à l'arrivée de visiteurs étrangers dans leur village, Cadrasie décide de former des jeunes guides qui accompagnent les visiteurs. L'association charge Raymonde Largaud, directrice d'école de langues à la retraite, de mettre en place des cours d'anglais intensif d'un mois. Raymonde contacte alors la directrice pédagogique du Centre Américain de Rangoun, Zoé Matthews, qui est en lien avec l'association The Teacher Tree formant des enseignants d'anglais.
Elles identifient deux enseignantes qui ont terminé leur formation et les envoient en avril 2016 au lycée de Tadarchaung pour donner des cours d'anglais du tourisme à une quinzaine d'élèves. Daw Khin San, en mission à Tayarchaung pour discuter de la construction de la maison communautaire, les rencontre sur place et constate les progrès réalisés par les jeunes lycéens et lycéennes.
Début 2017, Cadrasie missionne Ma Waing pour suivre l'avancement des travaux, puis Florent en mai 2017 pour inspecter le bâtiment et donner quelques cours d'anglais aux enfants du village de Tayarchaung.
En septembre 2017, Cadrasie fait une donation d'argent et de fournitures scolaires à l'école publique et offre une armoire pour la bibliothèque. La mission se rend ensuite à Tayarchaung et constate que les pluies diluviennes qui accompagnent la mousson dans cette région ont stoppé net la progression des travaux de la maison communautaire. Les chemins sont recouverts de boue, et l'accès au village se fait difficilement par un pont en bambou étroit et branlant. Nous décidons alors d'accorder la priorité à la construction d'un pont plus solide en béton et d'un chemin cimenté qui le reliera à la maison.
Amélioration de l'accès à l'eau (2018)
En novembre 2017, 4 membres actifs de Cadrasie se rendent à Rangoun. Ils sont accueillis à Tayarchaung par U Hla Khaing, le chef du village. Ce sont les premiers hôtes étrangers à passer la nuit dans la maison qui est presque terminée. Il ne reste plus qu'à appliquer un béton lissé pour empêcher la poussière de s'accumuler au sol, peindre les murs, et surtout ériger un pilier central pour renforcer la stabilité du bâtiment.
C'est au cours de la mission réalisée avec Raymonde en janvier 2018, que Cadrasie réalise que le problème numéro un à Tayarchaung est l'accès à l'eau potable. Plusieurs forages ont été réalisés à différentes profondeurs mais l'eau recueillie est trop saumâtre et impropre à la consommation. Pour pourvoir à leurs besoins en eau, les villageois doivent se rendre au bord d'un lac de rétention situé à l'extérieur du village. Pour cela, ils traversent deux ponts et puisent l'eau à l'aide de deux jerricans de 20 litres. Ce sont souvent les enfants qui réalisent cette corvée, rendue encore plus difficile pendant la saison des pluies lorsque les chemins sont recouverts de boue.
U Hla Khaing leur apprend que pendant 3 à 4 mois à l'époque de la saison sèche, de mars à juin, le réservoir est vide. Les villageois sont obligés de puiser l'eau à plus de 2 kilomètres de là, dans le réservoir de Tadarchaung. La priorité pour Cadrasie est donc d'élargir et d'approfondir le bassin de rétention d'eau, de terminer la construction du pont et de construire un chemin en dur permettant d'accéder plus facilement au réservoir.
Notre dernière mission à Tayarchaung (2018)
En mai 2018, des sympathisants de Cadrasie résidant à Rangoun passent deux nuits confortables dans la maison communautaire toute peinte de blanc et équipée d'une table, de chaises, de matelas et de moustiquaires. Ils constatent que la construction du pont et du chemin ainsi que les travaux d'élargissement du réservoir sont terminés. Ils organisent aussi une distribution de vêtements généreusement offerts par des enseignants de ISY, une école internationale à Rango
De longues discussions avec le chef du village, leur permettent de constater que presque tous les villageois sont prisonniers du cercle vicieux du surendettement. Ils s'endettent auprès d'usuriers à des taux prohibitifs de 30% par mois pour l'achat des semences de riz, la préparation des rizières puis le paiement de la main d'œuvre pour le pénible travail de repiquage des plants de riz. Lorsqu'ils ne parviennent pas à rembourser leurs dettes, ils sont souvent obligés de céder leurs parcelles aux riches propriétaires envers qui ils sont redevables. C'est ce que les Birmans appellent avec humour et ironie le samsara des dettes, terme bouddhiste qui désigne le cycle des renaissances.
Comme Cadrasie n'a pas de compétences dans le domaine du prêt aux ménages pauvres et surendettés, nous rencontrons la responsable de l'association Entrepreneurs du Monde basée à Rangoun. Cette ONG française accompagne des entrepreneurs vulnérables dans le monde entier. Leurs responsables ont par la suite pris contact avec le chef du village afin de leur proposer un programme d'accès à la microfinance sociale.
En septembre 2018, vers la fin de la saison des pluies, Cadrasie se rend à Tayarchaung. La maison communautaire est terminée. Ses murs peints en blanc et érigés au milieu des rizières offrent un beau contraste au regard. Les enfants traversent le pont et font des allers-retours vers le réservoir rempli par les pluies de la mousson. Il se déplacent maintenant facilement sur un vrai chemin confortable avec leurs palanches aux extrémités desquelles sont accrochés des seaux remplis d'eau. Un pêcheur profite des derniers rayons de soleil pour taquiner les poissons qui abondent dans les canaux gorgés d'eau.
Inauguration de la maison communautaire et fin de notre aventure à Tayarchaung (2019)
En janvier 2019, nous nous rendons en mission à Tayarchaung pour l'inauguration de la maison communautaire et la remise officielle des clés aux villageois. Dimanche 13 janvier au matin, Cadrasie a offert à quatre moines une mohingar préparée par la communauté du village la nuit précédente. Ensuite, nous avons commencé la cérémonie officielle de remise du bâtiment en présence des moines à qui nous avons également fait les donations d'usage.
Pendant qu'ils récitaient des formules rituelles en Pali, nous avons versé de l'eau dans une assiette et a ainsi transmis par ce geste symbolique les mérites acquis par cette action bénéfique à tous les participants. Suite au déjeuner des moines, les villageoises ont servi la mohinga matinale aux cinq représentants de Cadrasie. Puis les enfants du village et certains villageois ont été invités à partager le déjeuner.
Cadrasie a ensuite remis la plaque commémorative et notre représentante a fait un discours dont voici les points essentiels:
Faire une utilisation appropriée de la maison. Elle a cité quelques exemples: réunions de villageois, réunions de femmes, endroit où les enfants peuvent faire leurs devoirs, accueil de visiteurs étrangers, accueil des officiels du gouvernement, mariages, fêtes du village, etc...
Gestion et maintenance de la maison: essayer de maintenir le lieu dans l'état où on le leur a donné et si possible l'arranger en terminant la clôture, en plantant des arbres, en peignant l'intérieur, en réparant les grillages contre les oiseaux, en le nettoyant régulièrement...
Suivi des contacts avec Cadrasie : elle leur a dit aussi de nous contacter si à l'avenir ils avaient des projets précis d'utilisation des lieux ou de développement du village.
Remerciements : elle a remercié tous les chefs qui ont aidé Cadrasie à réaliser les projets dans le village, et notamment plusieurs fois U Hla Win, chef du village de Tadarchaung.
Après plus de 10 ans passés dans cette région de Birmanie, Cadrasie a réussi à transformer radicalement le visage de de ce village et a permis aux habitants de Tayarchaung de se reconstruire après le désastre du cyclone Nargis. Sentant le moment venu de laisser le village voler de ses propres ailes, Cadrasie décide alors de se consacrer à son nouveau projet de création d'un pensionnat à Sibu. Néanmoins nous restons toujours en contact avec le village de Tayarchaung au cas où notre aide serait de nouveau nécessaire.